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Vie quotidienne

Quand le Moyen Age s’invite au XXI e siècle

A quelques kilomètres de la frontière suisse, dans la Souabe occidentale, un « bourg idéal » prend forme, tel qu’imaginé par des moines au Moyen Age, avec les mêmes méthodes qu’au IX e siècle. L’agriculture y est aussi pratiquée comme à l’époque.

Plusieurs bâtiments sont déjà sur pied. Il faudra encore patienter quelques décennies avant que tous les bâtiments ne soient construits. Durant les heur...

Plusieurs bâtiments sont déjà sur pied. Il faudra encore patienter quelques décennies avant que tous les bâtiments ne soient construits. Durant les heures d’ouverture, les visiteurs sont les bienvenus sur ce chantier médiéval.

(Campus Galli)

Publié le

Journaliste agricole

Au commencement était un plan. Un plan ancestral qui dormait dans un tiroir de la bibliothèque de l’abbaye de Saint-Gall depuis 1200 ans. Les cinq pages de parchemin reliées étaient soigneusement pliées et classées sous la référence « Cod. Sang, 1092 ». L’abbé du monastère de l’île de Reichenau, sur le lac de Constance, avait jadis offert à l’abbaye de Saint-Gall ce plan dessiné par un moine. Ce projet, pensé dans les moindres détails, n’avait cependant jamais vu le jour. Il comprend 52 bâtiments avec 333 inscriptions latines explicatives, un monastère, une église, des maisons d’hôtes, une cuisine, un fournil, une brasserie, un hôpital, des latrines et un cimetière. On trouve quelques indications sur les étages – l’étable en bas et le grenier à foin en haut – et dans le dormitorium, à savoir la chambre des moines, des lits sont même dessinés. Le plan des alentours ne lésine pas non plus sur les détails et montre trois jardins : hortulus, le jardin de plantes médicinales, hortus, le potager, et un cimetière, aussi utilisé comme verger (le « jardin du paradis »).

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Les bâtiments sont construits en recourant aux méthodes d’autrefois, à savoir un travail manuel laborieux.

(Campus Galli)

De l’idée à la réalisation

Ne serait-ce pas grisant de réaliser ce plan aujourd’hui, avec les méthodes de travail d’autrefois ? C’est ce que se sont dit Bert Geurten et Verena Scondo, les initiateurs du projet de construction, après avoir vu le parchemin historique lors d’une exposition. Ils avaient eu vent d’une autre initiative d’histoire vivante similaire en France : à Guédelon, en Bourgogne, on construit un château médiéval uniquement avec des moyens de l’époque. Chez les germanophones, le projet rencontre initialement un intérêt très mitigé. Mais les initiateurs décident tout de même de fonder l’association « Karolingische Klosterstadt » (bourg monastique carolingien), l’époque carolingienne étant celle du règne de Charlemagne. Trouver le site n’a pas été facile, et les débuts non plus. Mais la construction suit son cours depuis huit ans maintenant, près de Messkirch, dans la Souabe occidentale. Les techniques de construction sont celles de nos aïeux, c’est-àdire manuelles et laborieuses. Les blocs de pierre sont taillés à l’aide d’un coin et d’une massette et les troncs d’épicéa sont transformés en poutres à l’aide de haches. Plusieurs bâtiments et une église en bois ont déjà pris forme. Une grande abbatiale en pierre doit encore voir le jour.

Les outils et la manière de travailler du haut Moyen Age n’étaient en aucun cas des techniques primitives ; au contraire, cellesci étaient parfois très ingénieuses.

Commencer par assurer l’approvisionnement

A cette époque, les travailleurs ne disposaient d’aucune infrastructure sur laquelle se reposer. A chaque chantier, il fallait d’abord assurer la production de denrées alimentaires. Qui dit méthodes de culture médiévales dit dur travail physique à la houe et au râteau en bois. Au IX e siècle, les travaux des champs n’étaient vraisemblablement pas l’affaire des moines, mais celle des domestiques. Les moines, qui vivaient selon les règles bénédictines, s’occupaient plutôt dans les ateliers, priaient et louaient Dieu ou s’adonnaient à d’autres tâches vertueuses. D’après le plan de l’époque, le Campus Galli dispose de six hectares de terres pour l’agriculture, dont un hectare de prairies mellifères, quatre de pâturage (prairie et foin) et un pour les cultures. Les archéologues agraires essaient de se rapprocher le plus possible des pâturages de l’époque en semant une prairie riche en variétés.

Variétés oubliées et races anciennes

A une époque où la biodiversité ne cesse de diminuer, d’anciennes variétés sont cultivées et préservées sur ce site. Dans les champs, on plante des légumes typiques d’autrefois : choux, féveroles, lentilles, blettes, panais et carottes blanches. Parmi les céréales, on trouve le petit épeautre, le seigle, l’orge, l’avoine et le millet. A l’époque, il n’y avait qu’une seule récolte par an, qui se faisait à la faucille. Pour les animaux de rente, d’anciennes races ont été privilégiées. Les porcs sont issus d’une race reconstituée ressemblant beaucoup aux sangliers et se rapprochent des cochons de l’époque. Les moutons sont des Skudde, des ovins menacés d’extinction qui existeraient depuis le VIII e siècle déjà. Il semblerait que les Skudde soient des descendants directs des moutons préhistoriques. Un petit troupeau de chèvres vient compléter le groupe. Les poules, des Leghorn, sont aussi de la partie. Le hersage, le labour et une partie du débardage sont effectués par des chevaux appartenant à un agriculteur de la région, qui viennent sur le site en cas de besoin. Au IX e siècle, on utilisait des bœufs pour ces travaux.

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La biologiste agricole Mareike Punzel porte une robe dans le style du Moyen Age. A l’époque, les carottes orange n’existaient pas encore.

(Campus Galli)

Un savoir ancestral perdu

Les outils et la manière de travailler du haut Moyen Age n’étaient en aucun cas des techniques primitives ; au contraire, celles-ci étaient parfois très ingénieuses. Il est toutefois devenu difficile de reproduire certaines techniques et astuces par manque de sources. Seules quelques illustrations et représentations sur des vitraux montrent des agriculteurs et des artisans de l’ère carolingienne au travail. Au haut Moyen Age, le millet était une denrée alimentaire de base, considérée comme le « pain des pauvres ». Après l’apparition des pommes de terre et du maïs, il s’est fait supplanter et a disparu. On le cultive à nouveau depuis cinq ans sur le Campus Galli. Le battage des grains ne pose aucun problème. On peut séparer les balles légères des grains lourds grâce au vannage. Mais plus personne ne sait comment le péricarpe était autrefois ôté de la graine. Les documents font référence à des pilons à millet qui pouvaient séparer proprement le grain de son enveloppe. Mais comment fonction-naient-ils ?

De nouveaux projets captivants

« Cette année, notre priorité sera d’achever la grange et de commencer en parallèle le prochain bâtiment : la dépendance des quartiers de l’abbé sera le premier édifice en pierre du Campus Galli », indiquent les responsables de la construction. « En ce qui concerne la grange, nous commencerons le montage au début de la saison et espérons installer rapidement le toit de chaume. Au cours des dernières années, plusieurs travaux ont été consciencieusement effectués en amont. Ainsi, de nombreux fagots de paille sont déjà prêts et n’attendent plus que d’être posés sur le toit. » 

Informations pour les visiteurs

La saison démarrera le 27 mars 2021. A partir de cette date, le chantier du monastère sera ouvert aux visites de 10 heures à 18 heures (fermé le lundi).

Depuis la Suisse : depuis Kreuzlingen ou Schaffhouse, compter une heure de voiture pour arriver sur le site, via Stockach en direction de Sigmaringen, peu après Messkirch. Des places de parc sont disponibles à l’entrée.

Le chantier médiéval est principalement financé par la vente des entrées (11 euros pour les adultes, 8 euros pour les étudiants, 6 euros pour les enfants et tarif réduit pour les familles).

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