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Vie quotidienne

Souvent copié et adapté aux goûts locaux

Le fromage suisse est apprécié dans le monde entier. Quatre émigrants suisses expliquent comment ils ont créé leur propre fromagerie à l’étranger, quelles difficultés ils ont rencontrées à cette occasion et comment ils ont fini par réussir en adaptant leurs recettes aux spécificités régionales.

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Journaliste agricole

Le fromage suisse se vend dans le monde entier

Sur les milliers de Suisses ayant quitté le territoire national au XIX e siècle pour fuir la misère, un grand nombre était fromager. Une fois arrivés dans leur pays d’adoption, ils perfectionnèrent leur art et adaptèrent leurs fromages aux goûts locaux. Plusieurs maîtres fromagers rentrèrent en Suisse. Des fromagers suisses créèrent ainsi le Tilsit dans la ville du même nom (appelée aujourd’hui Sovetsk) en Prusse orientale et deux d’entre eux en ramenèrent la recette en rentrant au pays. Aujourd’hui encore, de nombreuses fromageries de Suisse orientale produisent avec succès cette spécialité. D’autres fromagers sont en revanche restés dans leur nouveau pays d’accueil et y produisent du fromage.

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Le maître fromager Liu Yang le confirme: les habitants de Pékin adorent le «caillé étranger qui sent fort»; il n’existe pas encore de mot pour le fromage en chinois.

Un Chinois fromager diplômé

La mondialisation semble aussi passer par l’estomac: en Chine, le fromage passe ainsi la barrière qui existait encore au niveau du goût. Liu Yang explique par exemple qu’il y a tout juste 20 ans, ses compatriotes affublaient le produit que les occidentaux appellent «fromage» du qualificatif de «lait pourri». Ce fromager âgé de 43 ans est le premier chinois à disposer d’un diplôme de fromager, qu’il a obtenu en Corse. Depuis trois ans environ, il satisfait les inconditionnels du fromage en leur proposant des spécialités fromagères sur le marché hebdomadaire de Pékin. Le lait lui est fourni par des producteurs de Mongolie. Jusqu’ici, le fromage était un produit largement inconnu et étranger pour les Chinois. Sachant que la plupart des Chinois affichent, pour des raisons génétiques, une intolérance au lactose, le projet de lancer un fromage chinois semblait quelque peu téméraire. Liu Yang explique néanmoins que «l’organisme des Chinois est tout à fait en mesure de digérer des produits fermentés». Selon lui, les habitants de Pékin apprécient les produits innovants et les fromages de montagne. La «Tomme de Pékin» compte ainsi déjà de nombreux fans.

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Joe Widmer: son grand-père importa de Suisse la recette du fromage.

Fromage américain

Hans Widmer, qui avait émigré au siècle dernier aux Etats-Unis, a lui aussi bénéficié de l’excellente renommée du fromage suisse. John O. Widmer, comme il aimait se faire appeler dans sa patrie d’adoption, s’installa à Dodge County, dans le Wisconsin, soit dans la région où la production laitière était la plus élevée des Etats-Unis. Hans Widmer travailla tout d’abord chez plusieurs fabricants de fromage avant de s’installer à Theresa, dans le Wisconsin, pour devenir fromager indépendant, en s’adaptant un peu aux habitudes alimentaires américaines. Son pe-tit-fils, Joe Widmer, qui produit aujourd’hui encore le Widmer-Brick-Cheese sur le même site que son grand-père, estime que le succès rencontré par ce fromage aux Etats-Unis est sans doute dû à un ancien fromager suisse, Joe Jossi. Ce dernier était encore tout jeune lorsqu’il quitta l’Oberland bernois pour émigrer aux Etats-Unis avec ses parents. En 1877, Joe Jossi inventa le «Ziegels-tein-Käse», un fromage qu’il produisait à la chaîne à l’aide d’une simple presse à brique. Avec son arôme doux et au goût de noix, le «Ziegels-tein-Käse» affichait un format idéal pour un foyer américain normal. Ce format permettait aussi de couper de fines tranches de fromage, ce qui était très pratique pour confectionner des sandwichs et des hamburgers. Le Widmer Cheese est aujourd’hui très réputé aux Etats-Unis.

Fromage d’alpage du Brésil

Stephan Gaehwiler, qui a émigré il y a 35 ans au Brésil, y était surnommé «l’homme aux fromages qui sentent fort», en raison des fromages qu’il produisait. Depuis, il connaît les préférences locales de ses compatriotes et son fromage d’alpage fait partie des spécialités les plus appréciées.

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Stephan Gaehwiler produit son fromage d’alpage à l’intérieur des terres au Brésil. Ce fromage ne doit pas être trop corsé.

Stephan Gaehwiler, qui est originaire de Pieterlen bei Biel et qui a grandi dans l’Oberland zurichois, a toujours rêvé de devenir agriculteur et de disposer de sa propre exploitation. Bien qu’aucun domaine ne se profilât à l’horizon, Stephan Gaehwiler a effectué un apprentissage agricole et travaillé ensuite pendant six mois dans un ranch au Canada. C’est sans doute ce voyage qui lui a donné le virus des voyages et de l’aventure. Ce virus l’a finalement conduit dans l’ar-rière-pays brésilien, dans la région de Baliza, sur une exploitation agricole de 10 000 ha, dont son père connaissait les propriétaires. A la suite de cette expérience, Stephan Gaehwiler chercha et finit par trouver un domaine agricole dans la région de Corumbá. Motivé par la fierté de produire le meilleur fromage suisse, il se lança dans des premiers essais, peu convaincants au début. Le lait des vaches Girolando, une race locale issue d’un croisement de Braham et Gyr avec la Holstein, s’avéra peu propice pour la production fromagère. Le climat chaud de la région était un autre handicap. Stephan Gaehwiler parvint toutefois progressivement à surmonter tous ces obstacles. En 2001, il opta pour des vaches Brown Swiss achetées à Paraná. Actuellement, son troupeau compte 24 de ces vaches. Le refroidissement du lait et une installation d’affinage ont permis de solutionner le problème des températures élevées. Entouré de ses deux fils, Stephan Gaehwiler maîtrise aujourd’hui parfaitement la production fromagère. Le lait de ses vaches Brown Swiss affiche des teneurs équilibrées en graisse, en protéine et en minéraux et lui permet désormais de produire au Brésil un fromage d’alpage d’excellente qualité.

Un Australien dans le Saanenland

A l’époque, Jon Healey avait tout juste 18 ans et doutait un peu de son avenir dans la petite localité australienne de Pyengana. Il devait reprendre l’exploitation sur laquelle ses parents avaient peiné à survivre financièrement durant toute leur vie, mais n’entrevoyait pas vraiment de perspectives pour cette exploitation qui dépendait des maigres rentrées procurées par la production laitière. C’est alors qu’il appela son frère Gavin, qui était professeur de golf en Suisse. Jon fit part de ses doutes à son frère, qui lui expliqua qu’il devrait commencer à produire du fromage à Pyengana: «Je connais ici une personne qui pourrait t’aider.» Quelques jours plus tard, Gavin rappela son frère et lui expliqua alors qu’il donnait des leçons de golf à un responsable de la fromagerie de Gsta ad, qui était prêt à montrer à Jon comment fabriquer du fromage. En frère généreux, il acheta même un billet d’avion à destination de Zurich pour Jon. Une fois son frère arrivé à Gstaad, Gavin le confia à un teneur d’alpage, qui le conduisit à l’alpage de la Wispile en moto. Six fromages de 10 kg y étaient fabriqués quotidiennement dans de grandes chaudières en cuivre. Le cours accéléré de fromager de Jon dura six semaines, au cours desquelles ce dernier visita d’autres fromageries d’alpage.

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Jon Healey en Australie: un grand succès en tant que fromager grâce à un cours accéléré dans le Saanenland.

Une fois rentré en Australie, Jon prit un crédit de 7000 francs auprès d’une banque et convainquit son frère Simon de l’aider dans son projet. Les deux frères construisirent une fromagerie à l’aide de matériel d’occasion qu’ils achetèrent pour 1000 dollars. En février 2002, Jon commença à fabriquer ses premiers fromages, comme il l’avait appris à Saanen, avec 400 l de lait produits sur l’exploitation.

Avec son premier fromage fabriqué selon la recette apprise dans l’Oberland bernois, Jon remporta une médaille d’or lors d’un concours de fromage en Australie. Sa fromagerie se développa très rapidement: aujourd’hui, Jon et son épouse Lyndall élèvent 210 vaches et gèrent leur propre fromagerie, qui compte également un magasin, un restaurant et 26 collaborateurs. Leur délicieux fromage Pyengana leur a permis d’obtenir une renommée nationale. 

AuteurKarl Horat, journaliste agricole indépendant vivant actuellement au Brésil.

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