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Gestion

Le pays où le lait coule à flot mais rapporte peu

Un travail de bachelor de la Haute école des sciences agronomiques, forestières et alimentaires (HAFL) s’est penché sur la compétitivité de la production laitière dans le canton de Schaffhouse. Les auteurs ont notamment cherché à savoir comment les chefs d’exploitation envisageaient l’avenir et comment ils géraient leurs coûts de production.

La production laitière dans le canton de Schaffhouse est plus compétititive que le reste de la production suisse.

La production laitière dans le canton de Schaffhouse est plus compétititive que le reste de la production suisse.

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Directeur général, ES Agro Consulting

Production laitière dans le canton de Schaffhouse

Les exploitations laitières du canton de Schaffouse (SHMB) disposent d’une surface agricole utile, d’une quantité de référence et d’un cheptel supérieurs à la moyenne des exploitations laitières de zone de plaine. Dans le cadre d’un sondage réalisé auprès des membres du SHMB, des données détaillées ont été prélevées sur les exploitations. Ce sondage a démontré que le SHMB se compose, à quelques exceptions près, d’exploitations familiales indépendantes souhaitant continuer à fonctionner sous cette forme à l’avenir. Ainsi, dans 80% des cas, le partenaire ou la partenaire collabore également sur l’exploitation. Mis à part le chef d’exploitation, le ou la partenaire de l’exploitant est également la main-d’œuvre qui effectue le plus d’heures sur l’exploitation. Dans plus de la moitié des exploitations, les parents du chef d’exploitation sont également actifs sur le domaine. Dans moins d’un tiers des exploitations, les enfants, les frères et sœurs, des employés ou des apprentis collaborent aux travaux de la ferme. Selon les experts Ernst Landolt et René Schwager, l’exploitation familiale est une forme encore plus répandue dans le canton de Schaffhouse que dans d’autres régions de Suisse. Selon eux, cette situation s’explique par le fort ancrage traditionnel de l’agriculture schaffhousoise. Les structures supérieures à la moyenne sont un autre motif.

Visions pour l’avenir

18 des 31 personnes interrogées estiment que la SHMB dispose d’un potentiel certain. Plus de la moitié d’entre elles jugent que la présence d’un transformateur régional serait un gage d’avenir. A la suite d’entretiens avec les experts laitiers Hanspeter Kern, René Schwager, Ernst Landolt et des recherches en littérature, force est de constater que la création d’une «laiterie cantonale» serait irréaliste. Les coûts d’investissement seraient probablement trop élevés. Il serait par contre éventuellement possible de fabriquer des produits laitiers schaffhousois, dans le but de créer une valeur ajoutée supplémentaire. Pour que ce soit réellement le cas, les exploitations laitières devraient se présenter sous une bannière unie, pour pouvoir engager des négociations ciblées. Or les personnes interrogées estiment que tous les agriculteurs ne sont pas prêts à collaborer ensemble.

De nombreuses personnes interrogées estiment qu’une collaboration plus étroite avec le secteur de la restauration représenterait un potentiel supplémentaire. Le fait de disposer d’une laiterie régionale pour la mise en valeur du lait schaffhousois rendrait un tel projet plus réaliste.

L’avenir dépend du prix du lait

Les chefs d’exploitation interrogés estiment que le faible niveau du prix du lait sera le plus important défi auquel les membres du SMHB seront confrontés au cours des dix ans à venir (23 sur 27). L’ouverture des frontières arrive en deuxième position (15 citations). Douze personnes interrogées considèrent en outre le virage écologique pris par la politique agricole comme étant un défi important. Des paiements directs moins importants, le rétrécissement du paysage cultivé, le tourisme d’achat et les prescriptions accrues dans le domaine de la protection de l’environnement sont en revanche considérées comme un défi important par moins d’un tiers des sondés.

Le faible niveau du prix du lait est d’ailleurs le principal motif pour lequel la moitié des exploitations interrogées (15 sur 31) envisagent de cesser la production laitière dans les dix ans à venir. Une cessation d’exploitation n’entrerait en compte que pour une minorité d’exploitations.

Les coûts de production ne sont pas la solution à tous les maux

Les coûts de production de cinq exploitations choisies de manière aléatoire ont été calculés pour en savoir davantage sur les coûts de production des exploitations membres du SHMB. Les exploitations sélectionnées à cet effet se distinguent par leur méthode de production, leur situation régionale et la taille de leur troupeau. Au cours des dix dernières années, ces cinq exploitations ont procédé à des investissements importants dans la production laitière. L’analyse des revenus du travail par unité de main-d’œuvre horaire (UMOh) investie dans le secteur laitier indique que les cinq exploitations schaffhousoises sélectionnées réalisent des résultats inférieurs à ceux des exploitations de référence (voir graphique). Cette situation s’explique soit par des coûts et/ou des paiements directs par kg de lait inférieurs. Un investissement en temps de travail trop élevé peut être écarté d’emblée sachant que les exploitations concernées investissent moins de temps par UGB que les exploitations de référence. Les cinq exploitations analysées affichent des coûts d’amortissement extrêmement élevés. Dans le cas des exploitations B et E, cette situation résulte de la comptabilité financière: pour des raisons fiscales, B et E procèdent généralement à des amortissements plus élevés. L’exploitation A souscrit en revanche à une stratégie haute production avec 10 000 kg par vache et par année. Les coûts de production sont inférieurs à 80 ct., ce qui constitue un excellent résultat en comparaison avec la moyenne suisse qui est de 97 ct./kg de lait. Par contre, comme elle n’est inscrite qu’aux éléments obligatoires des programmes écologiques, l’exploitation A bénéficie de paiements directs inférieurs par kilo de lait. A travers sa stratégie low-input et son niveau de paiements directs élevé, l’exploitation D présente une image diamétralement opposée, ce qui se traduit également par une augmentation du produit par UMOh.

Dans l’exploitation B, les produits par UMOh ont baissé de 2012 à 2015, à la suite d’investissements réalisés en 2012, 2013 et 2014. De plus, après l’installation du robot de traite, l’exploitation a été confrontée à des problèmes massifs au niveau de la production laitière et de la fertilité des animaux. Il s’ensuit des coûts nettement plus élevés par kg de lait et, finalement, un produit inférieur par UMOh bétail laitier.

Le prix du lait est un autre facteur d’explication pour les produits réduits par UMOh. En 2015, les exploitations participant au sondage ont reçu un prix avoisinant 55.3 ct./kg de lait. A cet égard, il convient de rappeler que la quasi totalité des exploitations schaffhousoises produit du lait d’industrie. Or le prix moyen pour le lait d’industrie se situait seulement à un niveau légèrement supérieur à la moyenne nationale, à savoir à 57.1 ct./kg. Cet écart de prix est dû au fait que le lait du SHMB n’est pas commercialisé sous forme de produits au bénéfice d’une plus-value.

Conséquences

En termes de structures, les exploitations SHMB sont plus comparables aux exploitations de la région du Bade-Wurtemberg qu’aux exploitations de plaine suisse. Ces structures plus importantes permettent de conclure que la production laitière schaffhousoise est plus compétitive que la moyenne suisse, d’un point de vue structurel. Cette affirmation deviendra toutefois caduque si la demande se décale en faveur du lait issu de petits troupeaux et d’une méthode d’affouragement extensive basée sur une proportion élevée d’herbe dans la ration. Chez les membres du SHMB, la pâture joue un rôle nettement moins important que dans d’autres régions alors que la part d’ensilage dans les rations est très élevée. Le faible niveau du prix du lait permet tout juste aux exploitations qui ont optimisé leurs coûts de production de réaliser un revenu moyen par heure de travail. A l’avenir, les investissements dans la production laitière devront par conséquent être analysés sous l’angle de leur effet à long terme. La moitié des exploitations laitières interrogées a l’intention de cesser la production laitière dans les dix ans à venir. 

AuteursConny Bleuler, bachelor en agronomie HES, Litihof, 8215 Hallau Emil Steingruber, ES Agro Consulting, 3250 Lyss

InformationsEmil Steingruber gère une entreprise en conseil d’entreprise à l’intention des entreprises agricoles et des entreprises situées en aval. Ses prestations englobent le conseil en matière de succession, d’investissement, de financement et de stratégies ainsi que le coaching de processus décisionnels.

ES Agro Consulting, 3250 Lyss, mobile: 079 787 51 18 e-mail: info@es-consulting.ch Site web: www.es-consulting.ch

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