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Gestion

Planifier sa retraite et sa succession

En Suisse, un tiers des agriculteurs a plus de 55 ans. Cela signifie que de nombreux agriculteurs partiront à la retraite dans les dix ans à venir. Comment planifier sa succession ? Et comment préparer sa retraite ?

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Quels sont les moyens financiers qui restent à disposition après la retraite ? Planifier les choses assez tôt permet d’avoir une meilleure assise financière à l’âge de la retraite.

(Alexey Rumyantsev / Adobe Stock)

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Agriexpert

Dans les exploitations agricoles suisses, le nombre d’agriculteurs situés dans les classes d’âges supérieures augmente constamment. En 2016, 56 % des chefs et cheffes d’exploitation étaient âgés de 50 ans et plus. Selon les chiffres de l’Office fédéral de la statistique, en Suisse, la moyenne d’âge des chefs d’exploitation a tendance à augmenter. Ces dernières années, c’est surtout la part de chefs d’exploitation se situant dans la tranche d’âge 35 à 44 ans qui a nettement baissé. Depuis un certain temps, la part des chefs d’exploitation de 55 à 64 ans a par contre tendance à augmenter.

Prendre le temps de planifier

Avant de partir à la retraite, l’agriculteur a géré son entreprise familiale pendant de nombreuses années et l’a durablement marquée de son empreinte. Pour que son exploitation agricole puisse continuer à se développer après sa retraite, toute agricultrice et tout agriculteur est tôt ou tard confronté à la question de sa succession. Il est important de réfléchir assez tôt à la question de la remise du domaine. Pour la planification, il est conseillé de se faire aider par des conseillers spécialisés. Les décisions qui sont prises lors d’une remise d’exploitation ont des conséquences profondes et doivent donc être mûrement réfléchies. Il faut ainsi y consacrer du temps, ce qui est indispensable au vu des décisions stratégiques à prendre.

Quel est le montant disponible après la remise d’exploitation ?

Dès qu’un prix de vente a été conclu pour la remise de l’exploitation, il faut commencer à planifier le financement de la retraite. En déduisant les engagements financiers du prix de vente, on obtient le produit net. Les engagements financiers incluent les dettes, les hypothèques, les prêts et les crédits d’investissement. L’agriculteur concerné dispose-t-il d’autres comptes bancaires ou d’une assurance-vie ? A-t-il prévu d’encaisser le montant de sa caisse de pension en une seule fois dès l’âge de la retraite ? Le cas échéant le montant en question s’ajoute au produit net résultant de la remise de l’exploitation. L’addition de ces deux montants équivaut à la fortune imposable après la remise d’exploitation. Si la situation financière du cédant est bonne, il se peut qu’il aide le reprenant en lui accordant un prêt. Au moment de planifier le financement de la retraite, ce prêt doit être déduit de la fortune imposable. Le montant qui en résulte correspond à la fortune effectivement disponible après la remise.

Financement du niveau de vie

Si le vendeur prévoit de quitter le domaine après la remise d’exploitation pour habiter ailleurs, il est recommandé d’analyser assez tôt les moyens qui seront à disposition après la remise d’exploitation. Lorsque l’achat d’un logement est envisagé, une discussion avec la banque permet d’établir les solutions de financement.

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Au moment de la reprise de l’exploitation, il est judicieux de tenir compte des souhaits et des besoins de l’ensemble des parties.

(Sepy / Adobe Stock)

Outre le calcul de la fortune, l’estimation du revenu futur est un second élément pour planifier la retraite. Le niveau de vie est-il censé rester identique après la retraite ou est-il prévu de l’améliorer ? Le futur retraité devra alors impérativement établir un budget de toutes ses dépenses. La consommation privée déclarée dans la comptabilité servira de base de calcul, en tenant compte des changements financiers consécutifs à la vente du domaine.

S’agissant des revenus ultérieurs, le futur retraité peut demander à la caisse de compensation AVS une estimation de sa rente vieillesse. Ce montant sera complété le cas échéant par les avoirs de la caisse de pension et par un éventuel prélèvement sur la fortune. Si des lacunes de revenus subsistent malgré tout, par exemple lorsqu’un des partenaires est nettement plus jeune que l’autre et qu’il ne perçoit pas encore de rente AVS, il arrive alors qu’il faille continuer à disposer d’un revenu supplémentaire.

Habiter à la ferme

L’utilisation de l’habitation sur l’exploitation peut contribuer à préserver le revenu disponible après la retraite. La cohabitation de plusieurs générations sur le domaine n’est bien entendu ni toujours possible ni toujours souhaitable. Dans certains cas, le logement de l’ancienne génération sur le domaine peut néanmoins s’avérer être une solution très judicieuse, tant pour le reprenant que pour le cédant. Pour financer la reprise de la ferme, il arrive parfois que le reprenant bénéficie d’un soutien financier sous la forme d’un prêt privé de ses parents. Le fait que les parents utilisent un logement sur le domaine permet au reprenant d’amortir ce prêt et de réduire la charge d’intérêts. Dans un tel cas, le logement sur le domaine contribue à financer une partie de la reprise de l’exploitation. Les solutions de location flexibles sont très appréciées. La question quant à savoir s’il est préférable d’opter pour un droit d’habitation ou pour une location varie de cas en cas et devrait être discutée en famille et avec un conseiller.

Conséquences fiscales

Les conséquences fiscales de la remise d’exploitation ne doivent pas être sous-estimées. Plusieurs années avant la vente du domaine prévue dans le cadre de la remise de l’exploitation, il convient de calculer s’il en résultera un bénéfice de liquidation imposable. En procédant à une planification précoce, le cédant aura plus de temps pour évaluer la charge fiscale découlant de la vente et pour optimiser sa situation en effectuant une planification fiscale. A cet effet, il faut aussi vérifier si tous les amortissements cumulés de l’exploitation doivent être transférés sous forme de charge fiscale latente au reprenant ou s’il est envisageable de payer cette dette fiscale avec le montant provenant de la cession de l’exploitation.

Dès l’âge de 55 ans, toute personne cessant une activité lucrative indépendante peut bénéficier d’une imposition privilégiée du bénéfice de liquidation. Si la cessation d’activité intervient avant que la personne concernée ait atteint l’âge de 64 ans, les cotisations sociales à verser sur le bénéfice de liquidation sont encore prises en compte dans le calcul des droits de pension. Le rachat dans la caisse de pension est un autre moyen de réduire les conséquences fiscales de la remise d’exploitation. Afin de diminuer la charge fiscale résultant de la cessation d’activité, le cédant devrait étudier avec son conseiller s’il peut bénéficier de l’imposition privilégiée et si le rachat dans la caisse de pension entre en ligne de compte.

A planifier assez tôt

Planifier à temps permet d’utiliser la marge de manœuvre disponible pour tenir compte des souhaits et des besoins individuels de toutes les parties. La planification financière permet par ailleurs de comprendre rapidement quelle sera la situation financière du cédant après son départ à la retraite ainsi que les conséquences fiscales qui s’ensuivent. Les décisions liées à la remise d’exploitation et la planification fiscale qui en découle pourront être prises sur cette base. 

« A l’âge de la retraite, les jeux sont faits. »

Revue UFA : A partir de quand l’agriculteur doit-il planifier sa retraite ?

Stefan Binder : En fait, il n’est jamais trop tôt pour planifier sa retraite. Mais dès l’âge de 50 ans au plus tard, il faut commencer à se préoccuper des aspects financiers de la période de la retraite. Une fois arrivé l’âge de la retraite, les jeux sont faits : à partir de ce moment-là, il n’est plus possible de rattraper des lacunes au niveau de l’AVS ou de la caisse de pension. Cela vaut également pour l’exploitation agricole, qui reste un pilier important de la prévoyance vieillesse dans l’agriculture. A ce moment-là, les investissements ont été réalisés et les dettes subsistent ou sont remboursées.

Que conseillez-vous à un jeune agriculteur de 30 ans qui reprend un domaine ?

S. Binder : Ce qui prime, c’est de constituer une bonne protection contre les risques. Concrètement, le chef ou la cheffe d’exploitation et son partenaire doivent envisager les mesures suivantes :  • Conclure une assurance indemnité journalière assez élevée pour couvrir les coûts de la main-d’œuvre de remplacement en cas d’incapacité de travail.  • Prestations invalidité et décès : pour la famille qui reprend le domaine, il est important que le niveau de vie actuel puisse être maintenu en cas de coup dur et que les valeurs de reprise et les investissements soient garantis. Ce dernier point revêt de plus en plus d’importance dans les grands domaines, pour que l’exploitation puisse rester en mains familiales. Durant cette tranche de vie, ce sont souvent les assurances risques sans mécanisme d’épargne qui sont les plus adaptées.  • A cet âge, l’opportunité de souscrire un fonds de prévoyance varie de cas en cas. « Couvrir le risque avant d’épargner » : tel est le principe qui s’applique. En règle générale, les moyens disponibles sont utilisés pour développer le domaine et subvenir aux besoins de la famille. Le revenu imposable peut alors être maintenu à un niveau raisonnable sans devoir recourir à des solutions d’épargne fiscalement avantageuses. Il faut aussi tenir compte du fait que les avoirs des deuxième et troisième piliers ne sont disponibles que dans une mesure limitée pour des investissements dans l’entreprise et qu’ils sont bloqués sur une longue période.

Comment un agriculteur de 50 ans doit-il planifier sa retraite ?

S. Binder : Il faut analyser comment les investissements consentis se répercutent sur la prévoyance. En résulte-t-il une valeur supplémentaire au moment de la remise d’exploitation ? A combien s’élèveront les dettes à ce moment-là ? C’est uniquement en présence d’un solde positif qu’un investissement pourra être considéré comme un élément de la prévoyance vieillesse. Dès 50 ans, les dépôts dans les solutions fiscalement avantageuses que sont le deuxième pilier ( caisse de pension ) ou l’épargne bancaire ( 3 e pilier ) sont intéressants. Plusieurs autres raisons plaident en faveur d’une telle solution, notamment la répartition du risque lié à l’épargne ou l’atténuation de la dévaluation découlant de l’application du principe de la valeur de rendement. Un mélange équilibré entre les investissements dans l’exploitation et un transfert à la fortune privée est souvent la meilleure solution, selon l’adage « faire une chose sans pour autant en négliger une autre ».

A quoi ressemble la planification optimale en vue de la troisième tranche de vie ?

S. Binder : La question décisive à trancher assez tôt est la suivante : l’exploitation sera-t-elle remise à la valeur de rendement ou à la valeur vénale ? La réponse à cette question engendre plusieurs réflexions dont la portée est décisive, par exemple le moment du départ à la retraite, les charges fiscales éventuelles, les questions du logement, la forme sous laquelle s’effectue le retrait des avoirs de la caisse de pension et le moment où ce retrait intervient. Les questions de succession doivent aussi être clarifiées. Il est judicieux de se faire aider assez tôt par une fiduciaire, un vulgarisateur et un conseiller en assurances, voire dans certains cas par un notaire.

Interview : Markus Röösli

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