En bref
- La charge de travail perçue dans l’agriculture ne peut pas être réduite au seul temps de travail.
- La charge mentale, les responsabilités et le stress influencent fortement la charge ressentie.
- Une évaluation équitable tient compte, en plus du temps de travail, de facteurs tels que l’intensité, la planification, la sécurité et la récupération.
Ces dernières années, les milieux politiques et les acteurs·trices de l’administration ont montré un intérêt de plus en plus marqué pour la durabilité sociale dans l’agriculture. Une forte charge de travail et la pression temporelle peuvent entraîner du stress, de l’épuisement et une détérioration de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Les autorités et les décideurs·euses s’intéressent donc à un instrument permettant d’évaluer la charge de travail afin de promouvoir la durabilité sociale au sein des exploitations par des mesures appropriées.
Charge perçue plus élevée dans les exploitations laitières
Pour examiner quels facteurs expliquent le mieux la charge de travail perçue par les agriculteurs·trices, trois indicateurs ont été utilisés : le temps de travail nécessaire calculé, le volume de travail autoévalué et la main-d’œuvre disponible. Cette manière de faire a permis de déterminer lequel de ces indicateurs est le plus fortement corrélé à la charge ressentie.
Collecte et base de données
Base de calcul
- La charge perçue a été relevée dans une enquête en ligne auprès de 572 chef·fes d’exploitation (échelle 1 - 7).
- Les données relatives au temps de travail nécessaire relèvent de LabourScope, celles concernant le volume de travail sont issues de l’autoévaluation ; quant aux données sur la main d’œuvre disponible, elles proviennent du relevé sur les données structurelles. L’analyse a été effectuée selon le type d’exploitation d’après la définition FAT.
Indicateurs de la charge de travail
- Temps de travail nécessaire : nombre d’heures calculées par semaine pour une exploitation donnée en fonction de son orientation et de son volume de production
- Charge de travail : nombre d’heures travaillées par semaine dans l’exploitation, selon l’autoévaluation des agriculteurs·trices
- Main d’œuvre disponible : personnes présentes sur l’exploitation selon le relevé des données structurelles, converties en heures disponibles par semaine
La charge de travail a été perçue de manière très différente selon le type d’entreprise agricole considérée (fig. 1) : parmi les exploitations allaitantes, environ un tiers déclare percevoir le travail comme lourd à extrêmement lourd, alors que cette proportion dépasse 50 % dans les exploitations laitières et celles à production bovine mixte ; s’agissant des exploitations mixtes, près de 40 % d’entre elles indiquent une charge faible à nulle.
L’autoévaluation correspond mieux à la charge perçue
Les trois indicateurs mentionnés (temps de travail nécessaire, volume de travail autoévalué et main d’œuvre disponible) ne présentent que de faibles corrélations entre eux (cf. fig. 2). Reflétant différents aspects du travail, ils ne peuvent être utilisés de manière interchangeable pour évaluer la charge considérée.
Pour la plupart des types d’exploitation, le volume de travail autoévalué correspond le mieux à la charge perçue. La figure 3 présente ces deux grandeurs sur une échelle commune de 0 à 100, le volume de travail autoévalué étant exprimé en heures par semaine. Les exploitations laitières estimaient en moyenne le volume de travail le plus élevé.
Dans les exploitations laitières, plus de la moitié perçoivent le travail comme lourd.
Cependant, un volume de travail important ne signifie pas automatiquement une charge ressentie élevée : les exploitations laitières se sentaient à peu près aussi « chargées » que les exploitations bovines mixtes alors que ces dernières indiquaient des heures de travail nettement moindres. Quant aux exploitations allaitantes, si elles déclaraient le volume de travail le plus faible, leur charge perçue était comparable à celle des exploitations mixtes ou avec grandes cultures.
Ces résultats montrent qu’au-delà des heures travaillées, des éléments tels que la diversité des tâches, l’organisation du travail et la répartition des travaux sur l’année et au sein de l’équipe influencent fortement la perception de la charge.
Vers un indicateur valide de la charge de travail
La charge de travail perçue dans les exploitations agricoles ne peut pas être réduite au seul temps de travail : les dispositifs de modélisation peuvent certes calculer le temps nécessaire à des tâches individuelles, mais ils ne saisissent pas la pression mentale, les responsabilités et le stress pouvant découler du travail. Ainsi, pour une évaluation crédible et complète, différents indicateurs doivent être considérés conjointement.
Autres personnes ayant participé à la rédaction de l’article :
Sarina Altermatt, Sabine Liebenehm et Nadja El Benni du domaine de recherche Analyse de durabilité et gestion agricole d’Agroscope
Sur cette base, il conviendra à l’avenir de développer un outil multidimensionnel d’évaluation de la charge de travail, intégrant non seulement le temps investi mais aussi des facteurs tels que l’intensité du travail, la planification, la sécurité et la récupération. Un instrument de ce type aiderait à mieux comprendre cette charge non seulement en termes d’heures effectuées, mais aussi au regard d’influences externes, par exemple des prescriptions politiques ou des exigences technologiques nouvelles nécessitant des adaptations supplémentaires.
Peter Eugster Gehrenhof, 9450 Lüchingen
« Chez nous, il n’y a jamais de journée où l’on ne sait pas ce qu’il faut faire. »
Comment percevez-vous la charge de travail sur votre exploitation ?
Sur une exploitation laitière comme la nôtre, avec 95 vaches et notre propre élevage, la charge est importante. Mais nous avons éliminé le stress depuis des années. Grâce à l’automatisation et à une bonne organisation, les vacances et les jours de congé réguliers sont possibles pour tout le monde. Mon fils et moi travaillons à plein temps et mon père apporte un petit appui. La journée commence à 6h15 pour tout le monde ; nous travaillons 9¾ heures par jour, avec 2,5 heures de pause clairement définies, ce qui permet aussi de planifier le temps libre de manière fiable.
Qu’est-ce qui vous aide à bien organiser le travail ?
Le lundi matin, nous établissons ensemble un plan de la semaine. Ainsi, chacun sait par exemple ce qui est prévu le jeudi après-midi. Pour les tâches récurrentes à effectuer dans l’intervalle, nous tenons une liste hebdomadaire. Lors des semaines à risque météo élevé, nous prévoyons des alternatives ou nous nous référons, si nécessaire, à une liste de travaux à réaliser à un moment ou à un autre. Cette planification structure le quotidien et permet à chacun de travailler de manière autonome. Chez nous, il n’y a aucun jour où l’on ne sait pas ce qu’il y a à faire. Des objectifs réalistes pour la journée et la semaine rendent le travail satisfaisant.
Comment gérez-vous les pics de travail ?
Avec un ensilage en sandwich à base d’herbe et de maïs, nous simplifions autant que possible l’alimentation. Le fait de disposer de deux robots de traite nous permet d’aborder les pannes sans heurt. Le travail quotidien à l’étable peut être assuré sans problème par une seule personne. Nous échelonnons les semis et la récolte de manière à ce que l’ensilage s’intègre dans l’horaire régulier.
Selon la météo, il peut y avoir des exceptions en avril et en mai. Il faut simplement que les semences soient mises en terre à un moment donné.
Qu’est-ce qui allégerait encore davantage votre charge à long terme ?
La collaboration interentreprises offre certainement encore un potentiel, par exemple par un simple échange de surfaces. Mon travail serait globalement plus satisfaisant si mon revenu dépendait principalement de mon travail quotidien – et non de la surface que j’exploite.
Entretien : Stefan Gantenbein







