En bref
- Lorsqu’un terrain est réquisitionné pour un projet d’intérêt public, il vaut la peine d’agir tôt.
- Une opposition bien motivée permet d’améliorer sa base de négociation pour des indemnités ou compensation en nature.
- Il est crucial de ne pas sous-estimer les dommages consécutifs ( manque à gagner ou difficultés d’exploitation).
Pour des constructions et installations d’intérêt public, telles des routes, chemins, rails, lignes électriques ou postes de transformation, les pouvoirs publics ou les entreprises qu’ils mandatent (p. ex. une entreprise d’approvisionnement en énergie) peuvent réquisitionner du terrain. Si le ou la propriétaire s’y oppose, cela peut même lui être imposé de force dans le cadre d’une procédure d’expropriation. Rares sont les projets qui n’aboutiront pas. Cependant, dans de nombreux cas l’emprise du projet pourra être quelque peu réduite dans sa mise en œuvre concrète ou au moins l’indemnité, être améliorée.
Agir de manière précoce
C’est au début d’un projet que la marge de manœuvre est la plus grande. Avant de pouvoir statuer sur l’expropriation, il faut connaître la mise en œuvre détaillée du projet. Dans la phase d’autorisation du projet, il est encore possible d’obtenir son adaptation. La marge de manœuvre varie selon les projets : l’élargissement d’une route nécessaire pour une piste cyclable ne peut pas être remplacé par une autre mesure.
Des modifications sont possibles uniquement tant que le projet n’est pas devenu exécutoire.
En revanche, pour le passage d’une conduite, faire déplacer son tracé en bordure de champ plutôt qu’en plein milieu a des chances d’aboutir si c’est techniquement possible. Il en va de même pour faire construire un poste de transformation à un endroit moins gênant. Parfois, des prestations en nature peuvent être convenues : l’élargissement d’une entrée, le remplacement d’une écurie de pâturage qui doit être détruite pour le projet ou certains aménagements du terrain. Mais de telles modifications sont possibles uniquement tant que le projet n’est pas devenu exécutoire. Les modifications ne sont plus possibles au cours de la procédure d’expropriation qui traite de la détermination concrète de cette opération et de l’indemnisation de celle-ci.
L’opposition comme outil de négociation
Même si l’on approuve le projet dans son principe, il peut être judicieux de faire opposition. C’est le cas lorsque des éléments du projet (p. ex. le tracé d’une conduite, une mesure de construction) ne sont pas encore clairs ou que d’autres questions ouvertes subsistent. La procédure d’opposition permet de lever les ambiguïtés. Par ailleurs, elle procure aussi une meilleure position de négociation au cours de la procédure d’expropriation, qui déterminera l’ampleur de l’expropriation et de l’indemnisation.
Cette démarche suppose cependant que la ou le propriétaire soit conscient·e de ce qu’implique l’emprise sur sa propriété et des conséquences qui en découlent. Il est important de motiver clairement ses revendications, en précisant les inconvénients concrets que le projet entraînera et les mesures possibles pour les éviter ou les compenser. Cette manière de faire augmente les chances d’obtenir une meilleure indemnisation, voire l’octroi de surfaces en remploi (compensation en nature).
Les dommages consécutifs sont souvent sous-estimés
Dans les faits, les dommages consécutifs au projet et les effets indésirables durables que celui-ci génère sont souvent insuffisamment pris en compte, alors que ces derniers sont maintes fois plus graves que la simple perte du terrain.
Outre la valeur du terrain visé par l’expropriation, il convient de prendre également en compte les perturbations affectant la parcelle voisine, voire l’ensemble de l’exploitation concernée, comme en témoignent les exemples suivants.
- Difficultés accrues d’exploitation :lorsque des parcelles sont découpées défavorablement ou deviennent moins accessibles, le temps de travail et les coûts augmentent. Ceux-ci dépendent de l’utilisation de la parcelle et de l’exploitation.
- Manque à gagner :en cas d’utilisation temporaire (p. ex. place de dépôt, accès au chantier), il se peut que la rotation culturale soit perturbée ou le sol, compacté. Le cas échéant, le rendement et l’exploitation de la terre attenante peuvent s’en trouver altérés.
- Perte d’infrastructure :les chemins de campagne, abreuvoirs, drainages ou conduites d’eau peuvent être endommagés ou rendus inutilisables. Le cas échéant, ils ne peuvent pas être utilisés pendant les travaux et il convient de chercher des solutions transitoires ou alternatives.
Une bonne documentation des perturbations est la base pour une solution consensuelle et aussi pour faire valoir une indemnisation en plus de la valeur du terrain.
Attention en cas d’emprise sans convention
Il arrive régulièrement que des communes ou leurs services s’approprient du terrain sans conclure une convention formelle avec les propriétaires au préalable. Fréquemment, ils s’appuient sur des règlements communaux qui autorisent de telles emprises et excluent même toute indemnisation (p. ex. tolérance sans indemnisation d’une conduite qui traverse le terrain agricole).
Ni l’emprise sur le terrain, ni le refus ultérieur d’indemnisation ne doivent être acceptés.
Toutefois, ces dispositions sont contraires au droit cantonal ou fédéral, auquel elles sont subordonnées, ce qui les rend indéfendables. Dans ces cas, une réaction immédiate est déterminante : ni l’emprise sur le terrain, ni le refus ultérieur d’indemnisation ne doivent être acceptés. Pour les discussions ultérieures, il est utile de documenter au mieux l’emprise et ce qui a été entrepris pour s’y opposer. Une intervention précoce, avec un soutien juridique, peut s’avérer déterminante.