Plutôt que de considérer uniquement la fumure directe des plantes, on accorde une attention croissante au sol comme pilier de l’apport en nutriments, en particulier pour l’azote (N), son rôle crucial a été démontré par nombre d’études. Dans le cadre du projet NitroGäu, l’utilisation d’engrais rendus traçables a permis de montrer que, l’année où ceux-ci ont été épandus, les plantes absorbaient moins de ¼ de l’azote issu du lisier de bovin, couvrant l’essentiel de leurs besoins en puisant dans les réserves du sol.
Une grande partie du N assimilé par les plantes venait du sol.
A l’inverse, elles ont absorbé directement environ 2⁄3 du N issu d’engrais minéraux. Cependant, même dans ce cas, une grande partie du N assimilé par les plantes venait du sol (ill. 1).
La fraction restante du N des engrais traçables a été incorporée à l’humus moyennant des processus microbiens.
Même après trois ans, plus de la moitié de l’azote issu du lisier était encore présente dans le sol.
Même après 3 ans, plus de la moitié de l’azote issu du lisier et environ un tiers de celui provenant des engrais minéraux étaient encore présents dans le sol. Ces résultats soulignent l’importance de tenir compte des réserves de nutriments présentes dans les sols lors de la fumure, afin d’éviter les excédents d’éléments fertilisants et d’en limiter les pertes dans l’environnement.
Différents types d’engrais
Outre les engrais purement minéraux comme l’ammonitrate ou le superphosphate triple, il existe une large gamme d’engrais organiques : des engrais de recyclage (p. ex. digestat ou compost) aux engrais de ferme (p. ex. lisier ou fumier), en passant par leurs formes dérivées (p. ex. lisier méthanisé ou fumier composté). Les engrais minéraux offrent plusieurs avantages : faciles à stocker, ils peuvent être épandus de façon modulable et contiennent des nutriments en quantités connues, qui sont dosables précisément et agissent généralement vite. Cependant, leur production est très énergivore, et certains nutriments comme le phosphore (P) proviennent de gisements limités et éloignés. En revanche, les engrais organiques sont pour leur part produits le plus souvent localement. Cependant, ils exigent beaucoup d’espace de stockage. Par ailleurs, leur composition exacte n’est souvent pas connue au moment de l’application, et seule une partie de l’azote est immédiatement disponible pour les plantes. Ils ont tout de même un avantage de taille : ils contiennent non seulement tous les macronutriments et les micronutriments requis, mais aussi du carbone (C), crucial pour les organismes vivants du sol, la formation d’humus et la structure du sol.
Dans les sols fertilisés exclusivement avec des engrais minéraux, le taux d’humus a diminué.
Impact sur le climat
Synchroniser la libération des nutriments issus des engrais avec les besoins des plantes est essentiel non seulement d’un point de vue agronomique, mais aussi pour limiter l’impact climatique des émissions de protoxyde d’azote (N 2 O) issues des sols cultivés. Même si les pics d’émissions ne se produisent que brièvement après l’épandage des engrais, le travail du sol ou la récolte, leur effet est grand : le N2O a un pouvoir de réchauffement global près de 300 fois supérieur à celui du dioxyde de carbone (CO2 ). Dans l’essai en plein champ Recycle4Bio à Wallbach (AG), le lisier méthanisé et le digestat liquide ont généré un peu moins d’émissions de N2O que le lisier traditionnel des bovins ou les engrais minéraux NPK, sachant que de fortes émissions de N2O génèrent souvent un excès d’ammonium et de nitrate dans le sol.
Ces résultats indiquent donc que les engrais organiques liquides méthanisés présentent un rapport entre N rapidement disponible et N libéré plus lentement qui est meilleur que celui du lisier de bovins ou des engrais minéraux.
Effets sur l’humus et la structure du sol
L’essai de plein champ de longue durée « DOK » à Therwil (BL) compare 3 systèmes culturaux : production intégrée, biologique et biodynamique. Après 42 ans, les sols ont conservé un taux d’humus stable en production intégrée et en agriculture bio, tandis que dans la parcelle témoin fertilisée exclusivement avec des engrais minéraux, ce taux a reculé (ill.2) ; seul le système biodynamique, qui recourt au fumier composté en sus du lisier, a accru la quantité d’humus.
L’effet bénéfique particulier des engrais organiques solides sur l’humus a également été confirmé par une étude de grande envergure, mettant en évidence le rôle déterminant du rapport C/N : un rapport allant jusqu’à 10:1 se révèle moins favorable à la formation d’humus qu’un rapport atteignant 30:1. L’humus est essentiel pour la structure du sol. Ainsi, l’essai DOK montre que souvent, les sols en culture biodynamique forment moins facilement une croûte de battance que ceux qui sont fertilisés uniquement avec des engrais minéraux. Il suggère aussi l’existence d’une corrélation entre la structure du sol et l’efficacité de la fertilisation azotée, qui fait actuellement l’objet d’une investigation dans un essai en pots au FiBL.
Dans les sols fertilisés exclusivement avec des engrais minéraux, le taux d’humus a diminué.
Le respect de ces principes renforce la fertilité du sol et pose les jalons pour d’autres mesures, telles qu’un travail réduit du sol, des rotations culturales diversifiées et la prévention de la compaction. Les éléments devant être pris en compte dans le plan de fumure sont les suivants :
- au-delà d’un bilan de fumure équilibré, il est essentiel de considérer la minéralisation du sol ainsi que les propriétés des engrais. L’azote et le phosphore sont souvent déjà présents en quantités suffisantes dans le sol : faire abstraction de ce fait augmente le risque de surfertilisation ainsi que les coûts ;
- les engrais organiques comme le compost contiennent peu d’azote disponible mais beaucoup de phosphore, alors que les engrais minéraux NPK apportent peu de micronutriments. Il est donc judicieux de combiner divers engrais sur une saison ou une rotation ;
- les engrais organiques – surtout sous forme solide – favorisent la formation d’humus et devraient être utilisés régulièrement sur tous les sols agricoles.