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Production végétale

Les infatigables architectes du sol

Les vers de terre jouent un rôle aussi discret que primordial dans la fertilité des sols. Selon la catégorie écologique à laquelle ils appartiennent, ils occupent différentes profondeurs de sol, réagissant de manière variable aux pratiques agricoles. Les favoriser de manière ciblée, c’est renforcer durablement la santé et la productivité du sol.

Le ver de terre fouisseur profond Lumbricus terrestris stabilise ses galeries à l’aide de mucus. Dans un sol non labouré, ces dernières subsistent penda...

Le ver de terre fouisseur profond Lumbricus terrestris stabilise ses galeries à l’aide de mucus. Dans un sol non labouré, ces dernières subsistent pendant des années.

(Photo : Claire Le Bayon)

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Professeure en biologie du sol à l’Université de Neuchâtel

Travailleur de l’ombre, le ver de terre façonne le sol avec assiduité. Jour après jour, il mélange, brasse, et enrichit les sols en matière organique. Ce faisant, il les aère, limite leur érosion, et améliore leur fertilité – voilà un auxiliaire digne d’être reconnu et protégé.

La biodiversité du sol, un trésor ignoré

Les animaux vermiformes ne sont pas tous des vers de terre : si, dans le sol, larves d’insectes, nématodes et chenilles sont souvent qualifiés de « vers » dans le langage courant, ils n’en sont pas pour autant. En effet, les vers de terre occupent une place bien à eux, faisant partie de la famille des annélides oligochètes. A ce jour, 23 familles ont été identifiées dans le monde, dont quatre en Suisse, la plus représentée étant celle des Lumbricidae, qui a donné le nom commun « lombric ». Animaux sacrés et protégés par Cléopâtre, « intestins de la terre » selon Aristote, Charles Darwin a su leur rendre leurs lettres de noblesse et mettre en lumière leur rôle primordial dans la formation de sols fertiles. De nos jours, le 21 octobre célèbre la journée mondiale des vers de terre et rend hommage à ces animaux aussi discrets qu’indispensables. Avec les vers de terre, d’autres organismes – champignons mycorhiziens, bactéries, collemboles, acariens, carabes, isopodes, etc. – forment une toile dense, participant à la décomposition de la matière organique, à la transformation des nutriments et à la formation d’agrégats stables. La santé des sols dépend de cette biodiversité invisible, souvent méconnue, mais essentielle.

Trois rôles clés au service du sol

Contrairement aux idées reçues, les vers de terre ne se déplacent pas au hasard dans le sol : ils sélectionnent ce qu’ils ingèrent et ont des préférences alimentaires particulières. On distingue trois catégories écologiques de vers de terre, selon leurs habitats et leurs comportements spécifiques, présentés ci-après. Les vers dits épigésvivent à la surface des sols, abondant dans la litière, le fumier ou compost. Etant particulièrement sensibles au travail du sol, ils sont absents des sols nus. Les vers dits endogés, quant à eux, privilégient les premières couches du sol et vivent à proximité des racines de plantes. Ils se nourrissent de matière organique déjà intégrée à la terre et sont fortement affectés par le travail intensif du sol, notamment les labours profonds. Les vers dits anéciquesviennent, pour leur part, chercher les résidus organiques en surface et les enfouissent en profondeur dans le sol – jusqu’à deux mètres pour l’espèce Lumbricus terrestris! Dans ces galeries, les micro-organismes prennent alors le relais pour décomposer la matière organique fraîche qui sera ensuite assimilée par les vers et malaxée avec de la terre minérale.

Ce dont les vers de terre ont besoin

Les vers de terre, selon leur catégorie écologique, ne réagissent pas tous de la même manière aux pratiques agricoles. Le labour profond et les passages répétés détruisent leur habitat, surtout s’agissant des vers de surface (épigés) et des couches supérieures de sol (endogés). En revanche, le fumier frais et le compost bien préparé stimulent les vers, en particulier les vers anéciques, ces grands fouisseurs du sol. Les sols couverts toute l’année – avec des engrais verts, du paillage ou du mulch – ont également un effet bénéfique sur ces animaux : ils apportent nourriture et protection contre les variations d’humidité et de température. Préserver ces organismes, c’est donc maintenir la fertilité du sol : stockage et infiltration de l’eau, fourniture d’éléments nutritifs, résistance à l’érosion, et résilience face aux aléas météorologiques. Un sol vivant est la pierre angulaire d’une agriculture productive et durable. 

 

Les signes d’une forte activité des vers de terre

Parmi les indices aisément identifiables signalant la présence de vers de terre figurent les petits tortillons appelés « turricules », qui sont les déjections de surface. Les déjections des vers de terre sont de véritables engrais naturels : elles contiennent 5 fois plus d’azote qu’un sol fertile normal, 7 fois plus de phosphore et 11 fois plus de potassium. Plus il y en a, plus les vers de terre sont actifs ! On estime ainsi qu’en dix ans, la totalité de la couche supérieure du sol passerait dans le tube digestif des vers de terre, à raison de 40 à 100 tonnes de déjections par an et par hectare. Cette quantité impressionnante témoigne de l’activité intense et de l’influence de ces organismes.

Projet ressource Terres vivantes

Porté par la Fondation Rurale Interjurassienne, le projet de gestion durable des ressources Terres Vivantes, accompagne les agriculteurs·trices dans la mise en œuvre de pratiques favorables à la vie du sol. Les premiers résultats sont clairs : là où les pratiques agricoles les favorisent, les vers de terre sont abondants.

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